La fausse
charte dite de Clovis est un polyptique
daté du IXè s.
(mentionné en 822), recensant les biens de l'abbaye
de St Pierre-le-Vif de Sens, dans l'Yonne. Il est inséré
dans un faux diplôme de la fin du XIè-début XIIè.
siècle.
Un polyptique
(ou polyptyque) est un relevé ou registre, au Bas Empire et
au Moyen Age, sur lequel étaient consignés les biens
et les redevances d'un établissement écclésiastique
(abbaye, évêché, ...). Il est remplacé
par le terme de pouillé
de 1515 à 1789 environ.
Il
mentionne 120 sites inscrits dans un territoire naturel triangulaire,
conditionné par la structure même du massif cantalien.
Les possessions sont ainsi délimitées par 3 rivières
(la Dordogne, la Rhue
et la Maronne) et par
les crêtes montagneuses (du Puy Mary et du Puy Merle). Toutes
se situent à moins de 1150 m d'altitude.


Les terres
décrites montrent, dans le détail des localisations
géographiques, la grande permanence de l'occupation humaine
entre l'Antiquité et le Moyen-Age.
Ce polyptique
présente aussi un domaine organisé
sur un modèle méridionnal, en villae et colonicae.
Sur ces hautes terres du nord-ouest cantalien existaient de nombreux
villages (villae) où vivaient de 2 à 6 tenanciers.
Exemple sur ce qui deviendra la commune d'Ally,
au Pommier:
"In villa
Pomeirs coloni 2 manent, Daderinus, Armanfridus, servi ; solvunt
in anno solidos bes et modium annone 1" [NdA : Au Pommier,
il y a 2 métairies qui sont occupées par les serfs Daderinus et
Armanfridus ; ils donnent 2/3 sol et 1 mesure d'avoine]. |
Les questions
de démographie pour le haut Moyen Âge sont très débattues et pour
tout dire, en bonne partie insolubles. Dans
le cas de l'Auvergne au IXè siècle, on ne peut tout
simplement rien affirmer.
A l'époque
carolingienne, dans l'économie domaniale des villae,
qui repose sur la division entre ingenui
et servi (hommes libres et paysans des tenues liés
indissolublement au propriétaire), le pouvoir royal émane
d'une suprématie militaire et vit des ressources des domaines
les plus vastes.
Concernant
les propriétés décrites dans le polyptyque
de Mauriac, il faut bien noter une chose : il
ne s'agit jamais de grandes propriétés. Dans chaque villa
(village ou hameau) mentionnée, l'abbaye possède 2 ou 3 colonges (il
faut corriger dans les éditions existantes coloni en colonicae
= tenure) occupées (manent) le plus souvent par des servi,
parfois par des colons réputés libres. Seul le nom du chef de ménage
est donné, non toute la famille. Il arrive qu'une femme soit officiellement
en charge d'une tenure : il s'agit vraisemblablement d'une veuve qui
exploitait la terre avec ses enfants en attendant que l'un de ceux-ci
soit en âge de prendre le relai.
Les tenanciers
payaient des redevances :
- en bétail (151 vaches, 39 boeufs, 113 moutons et 84 porcs),
- en céréales (304 muids de seigle, 83 d'avoine, 76
de froment),
- en numéraire (365 sous 11 deniers)
- et en corvées de charrois (peut-être liées à
l'exploitation de la forêt).
Le seigle,
principale culture de ce latifundium
(voir Dictionnaire), est
cultivé entre 600 et 1000 m d'altitude. L'avoine a des altitudes
plus basses, de 600 à 800 m, et le froment est présent
à plus de 1000 m.
Il semble
que l'économie repose sur la polyculture et l'élevage.
Chaque vallée de la Rhue, du Marilhou, du Mars ou de la Maronne
a pu servir de cadre naturel à une exploitation et à
un peuplement organisé autour d'une église avec ses
dépendances.
A suivre
ces documents, il est même possible d'envisager que le Cantal
soit aussi peuplé au Moyen-Age qu'à l'époque
romaine.
Les lieux,
qui sont mentionnés, sont présentés par groupes,
souvent limités par des rivières. Encore une fois, la
topographie revêt un intérêt majeur, ce qui est
logique pour un secteur très découpé par les
vallées au fond desquelles coulent ruisseaux et rivières.
Le 1er groupe est celui qui contient la quasi totalité des
communes décrites dans ce site, mis à part Tourniac
mentionné dans le 11ème groupe (avec Chalvignac qui
est près de la Dordogne).
Les villae
sont regroupées autour de localités possédant
une église, préfigurant le regroupement médiéval
(bourgs et hameaux). L'ordre est
fait d'est en ouest. Peut-être
suivant la logique routière des voies de l'époque dont
Lyon (Lugdunum) était
le centre. Les romains avaient-ils "quadrillés" le
territoire de routes ? Toujours est-il qu'une voie importante reliait
Lugdunum à Mediolanum Santonum
(Saintes) en bordure de l'océan Atlantique. Cette voie courait
d'est en ouest elle aussi.
Par rapport au canton, une voie gallo-romaine "attestée"
et de moindre importance passait par Ally
et Bouval puis continuait
via le terrain d'Yoles.
Ce qui en fait une voie méridionnale "parallèle"
à la voie Clermont-Ferrand-Saintes.
Polyptyque
de Mauriac
issu du site du département Histoire de l'Université
Blaise Pascal à Clermont-Ferrand. x
56,4 Ko
Ces lignes
sont en partie reprises de l'étude réalisée par
B. PHALIP (voir Bibliographie).