Pourquoi partir ? x
- x Combien
de temps ? x - x
Partir ...
A partir
du XVIIème siècle sévit le Petit
Age glaciaire. Les cultures sont difficiles à cause des
mauvaises conditions climatiques,
et les famines ne sont pas rares. On décide d'étendre les surfaces cultivables,
afin d'augmenter les quantités récoltées. On sème du seigle. Les prés
diminuant, les vaches font moins de lait, la quantité de fromage diminuant,
on vend moins et on gagne moins d'argent. La mauvaise période dure plusieurs
mois avant le retour des beaux jours.
Ces jours
non-travaillés sont non-rentabilisés, mais on prend sur les réserves
pour se nourrir. Et comment payer les taxes,
toujours si importantes, alors qu'il n'y a pas d'argent gagné
en hiver ?
La
migration ou émigration apparaît comme une solution
: elle enlève une bouche à nourrir du foyer et permet de gagner de l'argent
pendant une période non-productive.
Attention,
il est probable que le cantalou soit parti avant cette période,
l'hiver n'étant pas une saison rentable en montagne, les remonte-pentes
n'existant pas.
Aussi idiot
que cela puisse paraître, les sports d'hiver ont été
une solution au manque de travail à cette période, et
donc un frein à cette migration. Le XX ème siècle
voit, parallèlement à la fin des migrations en Espagne,
le développement du ... ski. D'autres facteurs sont aussi intervenus
naturellement.
Elle peut
revêtir différentes durées, selon que cela serve d'appoint ou qu'elle
constitue la part importante:
- saisonnière
liée aux activités rurales, 15 jours pour les cueilleurs de pommes
en Limagne, 7 à 8 mois en morte saison pour les scieurs de long et
en belle saison pour les maçons mais retour périodique au "pays" pour
les gros travaux d'été ou pour exercer un métier secondaire
-pluriannuelle
(maçons de la Creuse et des Combrailles, sucriers de Saugue, marchands
de toile Cantaliens en Espagne)
on revient quand on a gagné suffisamment pour amortir le voyage ou
pour des nécessités impérieuses (décès d'un proche, règlement d'héritage
etc...)
-viagère
qui suppose l'idée d'un retour, après 10 à 30 années d'absence au
"pays" et une installation de caractère permanent dans la région d'accueil,
le retour est lié à la réussite sociale et au désir de laisser sa
place à la descendance.
-définitive
est souvent due à la fixation des héritiers dans le "pays" d'accueil,
on ne revient plus au "pays" que durant le mois de vacances.

Pour débuter,
il faut rappeler que le cantalou qui voulait partir à l'époque, se trouve
devant un choix : partir où ?
Tous les
chemins menant à Rome, il pourrait choisir les quatre points cardinaux.
Regardons ce qui motiverait ses préférences
de destination, dans l'espoir de trouver un travail :
***-
vers la capitale, où les métiers et besoins ne manquent
pas à Paris
avec l'arrivée de nouveaux habitants,
***-
la présence de la Dordogne,
toute proche, avec ses gabariers
la descendant régulièrement en direction de Bordeaux
avec des marchandises. Les renseignements qu'ils fournissent lors de
leur retour, qui s'effectue à pied, passe par Mauriac et ses environs
(Chalvignac, …). De plus Bordeaux est un port maritime, donc ouvert
sur le monde. La Garonne qui y coule, peut voir arriver des espagnols
venant de par la terre ou la mer. Des patronymes gascons tirant leur
origine de Catalan et de Espagnol, mais aussi de Flamands,
montrent donc la présence d'étrangers qui s'y sont installés.
***-
la Normandie,
les moines bénédictins de Charroux, dont dépendait
Pleaux initialement, en étaient
originaires et la Normandie étant un grand centre de dinanderie
au Moyen-Age. Aurillac a aussi plusieurs dinandiers.
***-
vers Lyon, autre grande ville de
France
***-
dans les Vosges
et le nord-est
Les départs
à l'étranger existent également:
***-
le réseau des connaissances établies depuis longtemps en Espagne
de par le pèlerinage effectué à Compostelle, l'abbaye d'Aurillac et
St Christophe y ayant un pied-à-terre,
***-
vers les Flandres
et la Belgique,
et les Pays-Bas
puisque l'on n'est pas si loin des Vosges où d'autres auvergnats
sont déjà implantés.
***-
mais aussi la Suisse
quand on est protestants, l'Algérie
le nouvel eldorado français du XIXème siècle,
et d'autres pays (Chine,
...)
Et maintenant
le choix de la destination par métier,
donc là où l'on aura le plus de clients (à ce que
l'on a entendu ou cru):
-
maîtres chaudronniers et marchands de parapluies
vers le Nord de la France et l'intérieur
du pays. Peu vers le Midi pour des raisons climatiques économiquement
défavorables sur ce créneau (parapluies). Parapluies
pour la Normandie, la Picardie, la Belgique,
les Pays-Bas
***-
cordonniers et savetiers ambulants
vers l'intérieur et l'ouest
***-
scieurs de long et terrassiers
vers ... un peu partout. Les Vosges
pour les forêts et la Franche-Comté
à reconstruire. Mais plus tard, l'extension des voies ferrées
a offert du travail partout (construction des gares, traverses de chemins
de fer, tunnels, viaducs, ...)
***-
quincaillers et merciers vers l'ouest
et le sud-ouest.
Et bien,
très souvent, ce choix est réglé par le fait que
le migrant n'est pas seul: c'est souvent au sein d'une même famille
que l'on trouve plusieurs migrants. Et sinon, on demande aux voisins
qui doivent bien en connaître un. Lisez donc les statistiques
ci-dessous pour vous en convaincre.

Quelle
est maintenant la proportion de
migrants ? Pour la fin du XVIIIème, elle est assez
importante. Citant Madame O. Meynial: Ainsi Chaussenac, avec 106
feux, comptait 116 migants pour un temps et 35 sans espoir de retour.
Pour proportion, un feux compte environ 8 personnes en 1790. Chaussenac
a environ 848 habitants dont environ la moitié de sexe masculin
soit 424. Il y a donc un peu plus d'une personne sur trois (36 %) qui
s'absente.
Villages
|
|
|
|
Nb
de feux
|
Nb
estimé d'habitants
|
pour
un temps
|
sans
retour
|
Total
|
population
totale
|
population
masculine
|
Chaussenac |
106
|
848
|
116
|
35
|
151
|
18
|
36
|
Pleaux |
280
|
2240
|
285
|
49
|
334
|
15
|
30
|
St
Christophe-les-gorges |
146
|
1168
|
177
|
38
|
215
|
18
|
36
|
Ste
Eulalie |
113
|
904
|
?
|
?
|
184
|
20
|
40
|
Un autre
exemple, donné par la même source, est des 182 laissez-passers
pour la période de janvier 1796 à mars 1806: 37 pour Chaussenac,
32 pour Tourniac, 23 pour
Ally, 21 pour Pleaux,
8 pour Brageac, 5 pour
St Christophe, 4 pour Loupiac,
3 pour St Martin Cantalès
et 1 pour Drignac et pour
Barriac.
Les routes
sont peu sûres, alors on évite
de se déplacer seul. Et puis, on ne connait pas forcément
le chemin à prendre. C'est donc sous la conduite d'un homme expérimenté,
qui a déjà fait le voyage, connait l'itinéraire
et les gîtes d'étape, que l'on chemine. On parcourt environ
30 km par jour.
A quand
partait-on ? Pas forcément après les travaux des champs.
Ainsi, pour la Belgique et les Pays-Bas,
la majeure partie des départs avaient lieu du 19 février
au 20 avril, et ce pour 15 à 18 mois de campagne. Jusqu'à
3 ans même.
Mais par
où sont-ils passés ? Ils ont probablement dû emprunté
des routes assez fréquentées, comme les chemins de Compostelle
vers les XI-XIIIè siècle vers l'Espagne.
Puis, en adaptant ce choix de routes aux circonstances
(rencontres, foires et marchés, connaissances, famille, compatriotes,
saison, ...). Des détails plus spécifiques vont sont fournis
sur les pages liées aux différentes destinations les plus
courantes.
